Une rencontre inattendue (Pv)

Je n’étais pas trop le genre de mec à me rendre dans les restaurants chics, pour ma part je préférais les trucs comme Starbucks ou McDonalds, mais le directeur de l’hôpital avait demandé à ce que l’on se rencontrer à l’extérieur de nos bureaux donc du coup il avait choisi cet endroit en tant que lieu de rencontre. Je dois admettre que sa requête m’avait intriguée, je me demandais bien de quoi il désirait me parler mais je me disais que je serais bientôt fixé.

Ayant passé vite fait par l’hôpital, histoire de faire une rapide tournée de mes patients, je quittai afin de me rendre à ce rendez-vous. Je m’attendais à bien des trucs mais pas à ce qui allait suivre. Lorsque le directeur me proposa le poste de chef du service j’eus l’impression qu’il me faisait une mauvaise plaisanterie, il faut dire que je n’étais pas persuadé que j’étais la bonne personne pour ce poste ; j’étais loin d’avoir l’âme d’un chef bien que mes années en Syrie m’ait permis de m’affirmer en tant que leader néanmoins j’étais d’avis que d’autres étaient plus méritants que moi pour ce poste. Incapable de lui donner une réponse positive il me demanda néanmoins d’y réfléchir ce que j’acceptai de faire.

Prenant congé l’un de l’autre je me dirigeai vers le bar du restaurant afin de me commander à boire, il faut dire qu’avec une telle proposition j’avais grandement besoin d’un remontant. Il fallait que je puisse relativiser les choses et ce cognac allait grandement m’y aider.

Bien que mon père fût monstrueusement riche et que ma mère, suite à son décès, m’avait léguée sa part, de cette fortune colossale qu’était celle de notre famille, je dois admettre que je n’avais pas l’âme d’un bourgeois s’était pourquoi j’avais décidé de travailler en tant que médecin bien que rien ne m’y contraignait puisque j’aurais pu décider de vivre des fruits de mes investissements. Je sais, ça peut sembler étrange, mais je n’avais pas l’impression que j’appartenais réellement à ce groupe élitiste de la société auquel j’appartenais par ma naissance.

Avec cette proposition que l’on venait de me faire je me sentais en quelque sorte coincé entre l’arbre et l’écorce ; il est vrai que mon chef de service n’était pas le plus compétent qu’il soit pour son job néanmoins il était celui qui m’avait embauché et je me sentais redevable envers ce dernier donc en lui prenant son job, tel que l’on me le proposait, j’avais l’impression de le trahir et je dois admettre que cette idée allait totalement à l’encontre des valeurs d’honnêteté, de rigueur et de loyauté qui m’avaient guidés jusqu’à maintenant.

Affirmer que j’étais totalement, et littéralement, à côté de mes pompes était un euphémisme tellement je ne savais plus trop à quel saint me vouer, c’est d’ailleurs ce qui m’avait incité à me commander une boisson aussi forte. Le serveur m’apportant mon verre, je le faisais tourner entre mes doigts tout en fixant le vide, puis soudainement j’entendis une voix féminine m’adresser la parole. Au nom de cette courtoisie ayant toujours été mienne je finis par me tourner afin de faire face à ma fort charmante interlocutrice tout en m’efforçant de lui sourire bien qu’il fut léger et subtil. Interminable serait plus appropriée mais je ne crois pas qu’il serait approprié de pourrir votre moment de détente avec ce genre d’histoires. J’appréciais la douceur qui transcendait son timbre de voix et je ne désirais aucunement gâcher ce moment puis, de toute façon, ayant toujours été quelqu’un de discret je n’avais pas réellement l’habitude de confier mes soucis à mes proches et encore moins à une personne que je ne connaissais pas. Après tout il est difficile d’aller à l’encontre de sa propre nature et la mienne me poussait à me montrer réservé.

Je peinais à faire confiance aux gens, d’ailleurs je dirais même que je peinais à avoir pleinement confiance en mes moyens c’est probablement ce qui pouvait expliquer l’état d’esprit dans lequel je m’étais enlisé au fil des derniers mois. J’avais grandement besoin d’un verre, d’ailleurs l’alcool était devenu en quelque sorte une béquille sur laquelle je m’appuyais tellement je me retrouvais rongé par la crainte de perdre pieds. Évidemment lorsque j’entendis cette demoiselle, à la voix d’ange, m’adresser la parole je ne pus que lui répondre après tout il s’agissait là d’une marque de politesse élémentaire. Souriant à ses mots je préférai ne rien ajouter de peur de prononcer des mots qui puissent être mal interprétés … il faut dire que j’étais passé maître dans l’art de me mettre les pieds dans les plats. Mon verre en main, le faisant tourner entre mes doigts, j’avais laissé mon regard croiser celui de la jeune femme d’ailleurs je n’avais pas été sans admirer la beauté et l’éclat de ses traits. Elle était féminine et délicate, on ne peut plus charmante, à n’en pas douter une jeune femme sophistiquée et de bon goût si j’en jugeais par sa manière de se tenir.

Mon verre s’était vidé en un temps record, un peu plus et j’aurais pu croire que l’on y avait fait un trou afin qu’il se vide à mon insu. La proposition de la charmante jeune femme m’intriguait et sans trop réfléchir je décidai de l’accepter. Avec plaisir. De toute façon qu’aurais-je fait d’autre si j’avais décidé de décliner son invitation ? Escalader le pont qui traverse l’Hudson River pour peut-être me balancer dans le vide ? Je traversais une mauvaise passe mais je n’avais pas encore atteint ce niveau de pathétisme, que Dieu m’en préserve d’ailleurs. Je lui souris lorsqu’elle se présenta. Meyers ce nom ne m’était pas totalement inconnu bien que je n’avais pas l’habitude de juger les gens en fonction des potins circulant, je préférais nettement me forger ma propre opinion les concernant. Enchanté Eleanor, moi c’est Warren Cunningham. Mon père était connu mais bon j’avais la chance de vivre à l’autre bout du pays alors la réputation familiale ne m’atteignait pas trop quoi que de nos jours il est bien illusoire de se croire à l’abri de ce genre de considérations

J’ai toujours été quelqu’un qui refusait constamment de baisser de baisser sa garde, comme si je craignais de subir un déluge de coups si j’en venais à me montrer moins vigilant, c’est probablement ce qui m’avait emmené à me mériter cette réputation d’homme distant qui me collait littéralement à la peau. Aussi étrange que cela puisse paraitre, bien que je ne la connusse pas, je dois avouer que la jolie jeune femme me donnait envie de socialiser et, par conséquent, de me montrer légèrement moins sur la défensive.

La regardant tout en jetant un regard, aussi rapide que furtif, autour de nous je finis par poser de nouveau mon regard sur celui de la jeune femme. J’eus un léger sourire lorsqu’elle leva son verre afin de trinquer à notre rencontre. Effectivement ! À notre rencontre, qu’elle soit agréable à souhait. Levant mon verre, et le portant à ses lèvres, je l’entendis ensuite me faire la supposition que nos familles étaient en bons termes. À vrai dire ça sonnait davantage comme étant une question ce qui m’avait laissé plutôt songeur vu l’état de cette relation, toute aussi tendue que conflictuelle, qui m’opposait à mon père. Possible que mon père soit en bons termes avec le vôtre mais sans vouloir vous paraître désagréable ce qu’il fait, et les gens avec lesquels il est en relation, ne concerne que lui. Je n’avais tout de même pas mis toute cette distance, et couper les ponts avec la famille, pour que l’on me parle à nouveau de ma vie de famille. Pour moi être le fils Cunningham était une malédiction alors il était inutile de me torturer en me le rappelant. Évidemment je ne voulais pas lui paraître désagréable après tout elle ne pouvait pas savoir l’ampleur de ce froid quasi sibérien qu’il pouvait avoir entre moi et mon père Loin de moi l’idée de vouloir me montrer froid et désagréable, d’ailleurs si je vous ai fait cette impression je m’en excuse. Étant le fils indigne du clan Cunningham j’étais loin de m’attendre à ce quelqu’un puisse me faire une telle remarque. Je m’étais adressé à la jeune femme d’un ton se voulant à la fois calme, posé et empreint de courtoisie.

La belle Meyers semblait vouloir s’accabler de reproches mais je ne voyais pas pourquoi elle se torturerait de la sorte après tout ce n’était pas sa faute si nous nous détestions mon père et moi. La charmante jeune femme n’y était pour rien après tout. Ne le soyez pas, je vous assure je ne vous en tiens pas rigueur, puis vous ne pouviez pas savoir. Il faut dire que je n’ai jamais été celui qui emmène nos différents sur la place publique c’est probablement ce qui explique que nos dissensions familiales ne sont pas documentées. J’ai toujours fait en sorte que notre conflit, bien qu’il dégénérât grandement, demeure entre lui et moi je ne voyais pas la pertinence d’étaler le tout publiquement. J’ai toujours préféré la discrétion, probablement une qualité que m’avait légué ma mère. Souriant de nouveau à la jeune femme, alors que mes yeux n’en avaient que pour son regard, je n’avais pas été sans apprécier qu’elle tente de me rassurer d’ailleurs elle le faisait plutôt bien je dois l’admettre. D’accord je dois admettre que j’en aurais été le premier déçu. Bien entendu Eleanor.  Je m’étais permis de m’adresser à la jolie jeune femme par son prénom puisque j’en avais conclu, implicitement, qu’elle venait de me donner son accord.

Bien que je me doutais que le terme indigne pouvait avoir été de nature à lui mettre la puce à l’oreille j’appréciais qu’elle n’ait pas saisie la balle au bond pour me questionner à ce sujet puisque je n’avais pas nécessairement envie de m’étendre sur cette question puis c’est bien connu nul ne choisit sa famille. La jolie brune m’intriguait et, bien que je savais maintenant qu’elle appartenait à une des familles les plus influente de la bourgeoisie New-Yorkaise, je dois admettre que je désirais en savoir un peu plus à son sujet. Et que faites-vous dans la vie ? Je veux dire  si on fait exception d’aborder un inconnu dans un bar et de lui proposer de boire un verre en votre agréable compagnie.

Elle était issue d’une famille appartenant à l’élite et pourtant elle semblait se montré empreinte d’une douce simplicité et je dois admettre que cela me plaisait, il faut dire que sur ce point nous nous ressemblions énormément. Je souris à ce qu’elle me dit, bien qu’il me fût difficile de le faire puisque cela allait à l’encontre des principes que l’on m’avait inculqués lors de mon éducation, mais puisqu’elle me l’avait demandé si gentiment je n’avais pas le cœur de le lui refuser. D’accord Ely , bien que je sois d’avis que ce prénom vous va à ravir j’accepte d’opter pour ce diminutif puisque c’est votre désir et bien entendu on peut se tutoyer j’attendais simplement que le moment s’y prête. Je respectais le fait que ce soit par moment considéré pour le moins inconvenant de tutoyer une personne que l’on ne connait pas mais puisque la charmante jeune femme venait de m’y autoriser mon point de vue devenait légèrement différent.

Mon verre à la main, le faisant tourner entre mes doigts, je le portai de nouveau à mes lèvres et c’est alors que j’entendis la jeune femme me parler de sa position professionnelle et de son statut social d’ailleurs je ne tardai pas à réaliser sa vie n’était pas facile tous les jours. Je vois ! Deux fonctions très prenantes qui de toute évidence ont de quoi te tenir occupée tant à la maison qu’à l’extérieur de celle-ci. Je pensais sincèrement ce que je venais de dire puis vu mon métier les enfants ne me faisaient pas peur puisque j’en côtoyais pratiquement tous les jours. Pour ma part je suis médecin au Mount Sinai, disons que c’est vachement loin de la tradition familiale, Je m’efforçai de lui sourire tout en faisant signe au serveur de venir remplir nos verres.

Il est vrai qu’une fois mon verre vidé de son contenu que j’aurais pu couper court à ce moment, que je partageais avec la jeune femme, mais je dois également avouer que sa présence à mes côtés m’aidait à oublier mes soucis et plus je discutais avec elle plus je ressentais l’envie de continuer cet échange. C’est probablement ce qui m’avait incité à demeurer assis à mon siège et à faire signe au serveur de remplir à nouveau mon verre. Bien que je ne fusse pas alcoolique, du moins c’est ce qu’il fallait espérer, je dois admettre que j’appréciais le bon whisky et celui que l’on me servait semblait des plus excellent.

Ayant écouté la jeune femme m’entretenir de sa vie professionnelle je n’avais pas jugé utile de lui mentionner ce que je pouvais faire pour gagner ma vie, après tout j’étais persuadé que c’était sans le moindre intérêt, et c’est alors que je l’entendis me demander ce que je faisais comme métier. Puisqu’elle venait de me le demander, et que je savais ce qu’elle faisait de son côté, j’étais d’avis qu’il aurait été pour le moins impoli de ne pas lui répondre. Et bien pour ma part je suis médecin aux urgences de Mount Sinai … rien de très glamour mais ça me convient parfaitement. Évidemment ce n’était pas le genre de profession à laquelle mon père m’avait prédestinée mais pour ma part j’approuvais ce choix qui semblait davantage orientée sur mes intérêts et mes valeurs, jamais je ne pourrais prioriser l’argent au détriment des gens. J’étais un idéaliste aux yeux de mon père, un gamin ingrat qui ne comprenait rien aux choses de la vie alors que pour ma part j’étais d’avis qu’il aurait intérêt à revoir ses priorités. De toute évidence entre lui et moi c’était irréconciliable.

La jeune femme avait raison, il n’y avait pas de sous métier dans la vie, mais j’étais tellement dévoué au miens que la pratique de la médecine me paraissait banale et je n’y voyais rien d’extraordinaire … du moins le regard que je posais sur ma profession était différent de celui que les autres pouvaient avoir vu de l’extérieur ce qui était tout à fait normal. C’est une façon comme une autre de voir les choses, certains diront que c’est l’empathie qui les guident dans ce métier alors que d’autres le font pour s’occuper l’esprit et ne pas trop penser à certains aspects de leur existence obscurcissant leur quotidien. Je dois admettre que j’ai toujours été quelqu’un de fataliste il m’était donc difficile de faire abstraction de ma nature.

J’eus ensuite un large sourire se dessinant sur mes lèvres, je dois avouer que la situation se voulait des plus amusante. Regardant au loin cette jeune femme qui semblait avoir jeté son dévolu sur mon humble personne je me permis d’approcher mes lèvres de l’oreille de la charmante Eleanor puis tout en jouant subtilement de mes doigts dans ses cheveux je me permis de lui murmurer une réponse. Si j’avais une amie je le saurais puis soyez sans craintes cette jeune femme n’est pas digne de mon intérêt. Cessant cette approche, qui était destinée à décourager la rouquine, je repris une position un peu plus appropriée puis j’éclatai de rire en la voyant s’approcher d’un homme qui aurait pu être son père tellement la différence d’âge se voulait flagrante. Voilà elle vient de jeter son dévolu sur une autre proie. Riant de bon cœur je dois avouer que je trouvais la situation aussi hilarante que pathétique.

Bien que fort légitime la question de la charmante jeune femme ne fut pas sans me troubler et me laisser pour le moins songeur ; il faut dire qu’elle me confrontait à mes pensées et que cette introspection me semblait des plus douloureuse. En toute honnêteté je crois que la vérité se situe quelque part entre les deux options. Bien qu’étant empathique la médecine est une profession qui exige beaucoup relativement à l’acuité intellectuelle donc c’est le métier idéal lorsque l’on cherche à faire abstraction de nos soucis. C’est en ces quelques mots, d’une apparente simplicité, que je m’étais permis de répondre à une question qui semblait se vouloir un peu plus complexe.

Continuant de regarder la jeune femme, toujours émerveillé par tant de beauté, je l’entendis me demander de lui faire part de ce qui pouvait me motiver à dire que la jeune femme, qui m’avait regardé avec insistance, n’était pas digne de mon intérêt. Bien que dans mon esprit les choses se voulaient claires je dois admettre qu’il m’était difficile de bien trouver les mots après tout je ne voulais pas passer pour quelqu’un d’insensible. Disons, tout simplement, qu’il m’est difficile d’éprouver du respect pour ce genre de garce qui semble prendre énormément de plaisir à se prêter au jeu des conquêtes d’un soir. Il me serait impossible d’accorder ma confiance à une telle personne. D’ailleurs il suffit d’observer son comportement pour réaliser que ce soir n’est pas une première pour elle. J’eus un léger sourire. Regarde elle vient de changer, une nouvelle fois, de victime. C’en est tellement pathétique que c’en est drôle. Je pouffai de rire tout en prenant mon verre le portant ensuite à mes lèvres.