Darren Sinclair

Comment se sentait-il en ce moment? Non, mais c’était quoi cette question stupide … Les seuls moments où que Darren se sentait bien, c’était quand il se trouvait derrière un volant d’une bagnole.  « Bien. » Un simple mot qui voulait tout dire, c’était amplement suffisant. Pas besoin d’en rajouter plus et de parler pour ne rien dire. C’était quelque chose que le jeune homme détestait. « Parlez-moi un peu de vous … Qu’est-ce que vous aimez dans la vie ? » Lire, les voitures, le chocolat, conduire et analyser les personnes autour de moi. C’est pas mal tout. Darren en avait déjà marre de sa première séance chez sa psy de New-York. Sauf que bon, c’était important apparemment s’il voulait être bien suivi et avoir sa médication. C’était très important de les avoir. Un jour, on lui avait prescrit une nouvelle médication et cela lui avait pris des mois pour s’en remettre.  Au moins, elle n’était pas encore arrivée aux questions sur l’enfance. C’était les questions les plus pénibles pour lui. Oui, il avait vécu une enfance difficile. Avec un père alcoolique qui battait sa mère et parfois lui-même, une mère peu présente et qui était en réalité une prostituée. Oui, c’était une période qu’il vivait dans la misère autant financièrement que dans les conditions réelles.  Tout ça avait été bien mieux lorsqu’il avait quitté la maison à 16 ans pour vivre dans la rue. Bon d’accord, vivre dans des refuges, voler de la nourriture ou encore des voitures, ce n’était pas quelque chose de très sain. D’ailleurs, Darren avait eu quelques embrouilles avec les flics … Sauf que ce père … Ce père qui l’avait renié lorsqu’on lui avait diagnostiqué la schizophrénie, ce père qui était en fait un faux père, ce père qui lui avait fait tant de mal, la rue c’était bien mieux que lui.

C’était quelque chose qu’il voulait oublier, alors pourquoi on essayait toujours de lui rappeler? « Les voitures … j’aime beaucoup conduire. » La psy d’une trentaine d’année se contentait de sourire. Par pitié … pas de question sur l’enfance, pas sur l’enfance! Regardant autour de lui, Darren évitait son regard parce qu’il se sentait attaqué et inférieur à elle en ce moment. « Et … vous avez des proches ici à New-York Une copine peut-être? »  NON! C’était aussi pire poser une question sur s’il avait une copine que sur l’enfance. « Oui … non … J’ai fréquenté quelqu’un, mais … On a arrêté. » Bafouillant et répondant rapidement à sa question, c’était un vulgaire mensonge. Darren ne voulait pas paraître de quelqu’un d’associable (même s’il l’était vraiment) et qu’il était capable d’avoir des relations, mais si le jeune homme n’avait jamais eu de fréquentation de sa vie. La trentenaire se contentait de le fixer comme si elle avait deviné qu’il ne lui avait pas dit réellement la vérité. « Est-ce que vous aimez votre vie à New-York? »  Aimer la vie … est-ce que c’était quelque chose qui avait vraiment aimé un jour? Comment pouvait-on aimer la vie? Qu’est-ce qui pouvait faire en sorte qu’on aimait la vie ? C’était comme si on posait comme question : es-tu heureux? Cela ne voulait tellement rien dire pour lui …  Sa vie à New-York était similaire à celle de Washington. La seule différence était celle qui avait trouvé un contrat plus régulier dans cette ville. Darren était le chauffeur de la famille Carrington, une famille très riche … Pour l’instant, c’était terminé la vie des courses de voitures. C’était quelqu’un qui l’avait recommandé à cette famille. À cause de sa conduite dans ses courses, le jeune homme avait déjà fait quelques contrats de livraisons et de chauffeur.

À dire vrai, ce n’était pas ce boulot qui l’avait attiré dans cette ville, mais plutôt quelqu’un. Son véritable père vivait ici. D’ailleurs, il était un peu comme les Carrington. Il était très riche et avait une grande entreprise. Si Darren avait retrouvé sa trace, c’était parce que sa mère lui avait enfin dit son nom, sur son lit de mort atteinte d’une tumeur inopérable. Après quelques recherches, le jeune homme avait rapidement trouvé son père sur le net et son lieu de résidence : New-York. Seulement voilà, à peine arrivé en ville que son père est mort. Une mort plutôt suspecte selon les médias. Et maintenant la personne qui était à la tête de son entreprise était le plus vieux de ses fils. Bah ouais, Darren avait deux demi-frères! Ce qui est le pire, c’était que le nom de Darren figurait pour une partie de l’héritage, mais ça, le jeune homme l’ignorait. « Darren ? »  Sortant de ses pensées, il était plutôt perdu et avait déjà oublié sa question. Son portable sonnait, ça devait être les Carrington. « Oui ... j’aime les hots-dogs ... Je dois y aller, c’est le bon boulot. À dans deux semaines. » Le chauffeur sortit aussitôt de la pièce pour continuer à vivre sa petite vie monotone, mais qui allait peut-être changer rapidement.