Logan ~ What's that way ? With a bit luck, danger

« Dans la vie d'un homme, il y a deux dates importantes, celle de sa naissance et celle de sa mort. Tout ce qu'on fait entre ces deux dates n'a pas beaucoup d'importance. » [Jacques Brel]
On vit, on meurt, c'est quand même mieux si on fait quelque chose entre les deux, non ? C'est dans le Bronx que Logan a vu le jour. Sans grande surprise pour un descendant de migrants irlandais, comme son nom le laisse entendre. Mais c'est là que toute correspondance s'arrête. Logan n'a jamais vu l'Irlande. Il ne la verra probablement jamais. Il sait sa date de naissance - comme tout le monde quasiment. Le 3 septembre 1984. Il a lu Orwell, son année de naissance le fait doucement sourire : parfois quand il se lève le matin, il se demande s'il ne vit pas dans une dystopie digne d'Orwell. Sa mère qui s'épuisait à faire deux jobs de merde en même temps pour que son beau-père puisse boire le peu d'argent qui restait. Cliché du Bronx. Et son père ? C'était un soldat de passage en ville pour sa conception. A ce qu'il paraît il se serait fait buter pendant la première guerre du Golfe, mais Logan n'en a jamais eu la preuve.
Logan était un bébé bizarre. Comme s'il avait déjà compris qu'il valait mieux qu'il se fasse tout petit. Il pleurait rarement. Mais regardait tout ce qui l'entourait avec force curiosité. C'était parfait pour son beau-père qui n'avait aucune envie de perdre du temps avec ce morveux qui n'était pas le sien.

« Puisqu'on ne peut changer la direction du vent, il faut apprendre à orienter les voiles. » [James Dean]
Logan a grandi un peu comme une mauvaise plante. Forcé à rester dans l'ombre quand il n'aspirait qu'à la lumière. Il a appris très vite l'art de l'esquive. L'art de se rendre invisible. Aux yeux de son beau-père, à ses coups sournois, surtout. Filant comme une anguille.
A l'école, il était intenable. Il avait du potentiel, mais c'était son comportement qui le mettait à mal. C'était un enfant sauvage, qui ne tenait pas en place. Très tôt, les professeurs apprirent à ignorer son comportement et à le laisser faire sa vie. Les bleus laissés par les bagarres de cours de récré venaient simplement s'ajouter à d'autres. Le gamin pigeait vite. Mais pas tout pour autant. Il était bien plus solitaire que ce que la norme voulait. Il observait les autres gosses, mais leur comportement lui échappait. Il ne comprenait pas comment ils faisaient. Il n'a jamais vraiment réussi à tisser des liens avec des gens de son âge.

« J'aime bien les amis comme j'aime bien la musique : quand je suis d'humeur ; mais une telle liberté se paye parfois d'une certaine solitude. » [Charlie Chaplin]
La solitude, il a vite appris à la dompter et s'en faire une alliée. Même dans son équipe de lutte ou celle de hockey au lycée, il était solitaire. Ses camarades avaient tendance à le surnommer le robot ou l'alien. Il n'en faisait pas cas. Il était là pour le sport. C'était le sport qui l'intéressait. Et qui lui permettrait de décrocher une bourse pour étudier. Il visait le MIT et avec cet objectif en tête, il parvenait à ronger son frein. Il mettait toute sa hargne et sa colère pour atteindre cet objectif.
Après le lycée, soit il continuer de s'entraîner le plus tard possible. Soit il trainait le plus tard possible dans la rue. A traîner avec des gars plus vieux que lui. Ce n'était pas forcément le meilleur des plans, parce que somme toute, ces gens n'étaient pas forcément très clean, mais le gamin faisait figure de gueule d'ange dans le groupe, il ne fumait même pas une cigarette. Ça les faisait rire. Mais Logan se sentait bien parmi eux. Il a eu son diplôme de fin d'études avec les honneurs avec deux ans d'avance, malgré un comportement parfois borderline.

« Il n'y a parfois aucune différence entre le salut et la damnation. »[Stephen King]
Et puis Icare s'est trop approché du soleil et ses ailes ont pris feu. Un match de Hockey qui se termine sur une blessure qui sonne le glas de toute idée de carrière sportive pour le jeune homme. Retour sur terre à grand renfort de mandale dans la gueule. Envolé, l'espoir d'une vie meilleure. Il était loin de chez lui, exilé à Cambridge, Massachusetts pour étudier le génie électrique et informatique. Il n'avait personne sur qui s'appuyer. Sans le sport, ses notes et son comportement n'étaient pas suffisant pour conserver la bourse pour continuer en postgraduate. Il s'est laissé aller, jusqu'à finalement devoir ramener ses cliques et ses claques à New York. Un diplôme en poche mais rien de plus. A peine de quoi se crasher dans un motel en rentrant. Retrouver les gars de son enfance. Tonny et les autres. Mais ne pas remettre les pieds chez sa mère. Il ne pouvait plus faire de hockey à haut niveau, peut-être, mais il était toujours sacrément doué en boxe. Et clairement, une seule remarque de son beau-père l'aurait fait disjoncter.

« N'allez pas là où le chemin peut mener. Allez là où il n'y a pas de chemin et laissez une trace. » [Ralph Waldo Emerson]
Désorienté. La lumière de la ville qui ne dort jamais lui brûle la rétine. Logan est comme un satellite sorti de son orbite. Il n'est plus sur la bonne trajectoire. Il s'est fait du fric en bossant dans une société de cybersécurité, mais il a finit par se faire virer à cause de son comportement, parfois franchement antisocial.
Il se laisse guider par le courant, comme anesthésié. Parfois, il a juste l'impression de ne rien pouvoir ressentir d'autre que de l'indifférence. La première fois où il a vraiment eu peur, c'est quand il a vu Tonny faire une overdose. Le reste du temps, il se sent comme perpétuellement engourdi, voire parfois au bord d'un gouffre sans fond.
Ses accès de colère, ses débordements, il les gère en allant se défouler et s'épuiser dans une salle de sport, en faisant de la boxe généralement. En se mettant en danger. Ou des fois, pendant les longues nuits où il épuise son cerveau en hackant ce qu'il peut.

« They say that I don't belong, say that I should retreat. That I'm marching to the rhythm of a lonesome defeat »
Pas foutu de garder un job. Finalement, il est peut-être cette sous-merde que voyait en lui son beau-père. Peu importe le travail, il finit toujours par sortir de ses gonds et se faire virer. Ou plus simplement, il finit par ne plus aller bosser un matin. A chaque fois, il se dit que c'est la bonne, qu'il foirera pas. Et pourtant, ça finit toujours par arriver. Ça le rend malade de pas comprendre ce qui cloche chez lui. Il n'y a pas une seconde où il se demande pas pourquoi il n'est pas comme les autres. Enfin, si. Les seules fois où ça arrive c'est quand il est ivre ou sur un de ses projets inachevés. Et encore. L'alcool a tendance à le rendre mélancolique.

« Les monstres sont réels, les fantômes le sont aussi, ils vivent à l'intérieur de nous. Et parfois... ils gagnent. » [Stephen King]
Le service réclamation d'une compagnie d'assurance. C'est tout ce qu'il a trouvé. Il supportera pas bien longtemps les jérémiades de ces numéros d'adhérents qui défilent. Il a déjà envie de leur hurler que ce sont des abrutis pas foutus de lire correctement leur contrat. Mais cette fois, il essaye de s'accrocher.